Yuan Kang •

It's been hanging in the air since you last told me you care and that you mean it 'cause I don't feel it. And all I've known of words I can't believe, like when you said I'm so naive 。 * 0 - 3 ans.

Quelque part dans le Yi-Ti, au coeur d'une chaine montagneuse, se dresse une vallée verdoyante en apparence idyllique. Au creux de ces montagnes ensoleillées entre lesquelles chante le vent, un lac, clair et pur, aussi large que profond, sert de frontière naturelle pour un peuple qui s'est logé dans ses pourtours. De nombreux chemins sillonnent la vallée, menant jusqu'à des rizières et autres plantations nécessaires à leur survie. Mais alors que tous tracent un passage de terre à même le sol pour s'échapper des montagnes, l'un d'eux mène vers les hauteurs où une immense demeure en partie troglodyte a été construite. La face visible arbore de vives couleurs rouges et dorées, des colonnes majestueuses qui semblent faussement tenir à elles seules les roches qui les écrasent, et un grand jardin aux arbres aussi mirifiques qu'imposants et aux parterres de fleurs de toutes les couleurs. C'est dans ce cadre à priori idéal que Yuan est née. Deuxième enfant des époux Xianbei, elle voit le jour cinq ans après son frère aîné, parfaite touche finale au modèle familial parfait de sa région.

La petite fille reçoit une éducation tout ce qu'il y a de plus noble. De sa façon de parler à sa façon de se tenir, en passant par les gestes, gracieux et fluides, que doivent avoir toute jeune femme respectable, elle n'échappe à aucune leçon, pourtant à l'opposé de son caractère réfractaire. On lui apprend la lecture, l'écriture, les mathématique, la calligraphie, l'Histoire du Yi-ti et celle, un peu plus floue, du monde connu. On pousse même son éducation jusqu'à la langue des Valyriens, dans l'idée de pouvoir marchander un jour avec les terres étrangères. Soutenue et encouragée par son frère, elle noue avec lui un lien que tous pensaient indéfectible. Lorsqu'elle rencontre des difficultés, des ennuis, des punitions, il est toujours là, assumant la moitié de ses corvées, la moitié de sa peine, absorbant sa souffrance et sa frustration. Le seul domaine dans lequel il n'a jamais une once de pitié est la magie. Une bénédiction qui vient de leur père et qui se transmet de génération en génération dans la famille.

Let me say this, I'm losing patience. I hate you, don't you leave me Babe, I'm barely breathing. Don't you understand that loving you ain't easy? I know I'm kinda crazy but I can't understand 。 * 3 - 17 ans.

L'apprentissage aurait pu être compliqué, il aurait pu être douloureux, presque impossible, mais ce ne fut pas le cas pour Yuan. Appuyé en majeur partie sur la méditation et la patience, la précision des gestes et la communion avec l'air environnant, il demande surtout du temps, de la concentration et de la persévérance. Non, la réelle difficulté se présente lors des premiers entraînements avec son frère. Lorsqu'il s'agit de leur don, il n'a aucune pitié, ne laisse pas une seconde de répit à sa cadette. Et c'est formateur. Lui ne peut que redoubler d'efforts pour éviter que Yuan ne le rattrape, et elle ne doit pas chercher bien loin pour trouver le but à atteindre. Mais la petite est douée, et à mesure que les années passent, le fossé entre ses capacités et celles de son frère se rétrécit indéniablement, comme une ombre menaçante sur sa pleine puissance. Il est le futur Lord de ce fief, celui qui devra gérer l'entièreté de ses habitants, la protection de son domaine, et il vit mal le fait de voir sa petite soeur le rattraper. Rapidement, leur relation se dégrade, au grand désespoir de leurs parents qui tentent tant bien que mal d'expliquer que sa place d'héritier n'est pas compromise puisque Yuan est une femme, et qu'elle sera mariée comme toute femme qui se respecte à un homme qui gérera lui-même son fief. Mais rien n'y fait, et leurs confrontations sont de plus en plus violentes, de plus en plus cruelles, Yuan n'hésite pas à s'épuiser pour écraser son frère et Lord Xianbei est régulièrement obligé d'intervenir et de faire cesser les combats d'entrainement pour éviter que l'un d'eux ne meurt bêtement. Le meilleur moyen de couper court aux hostilités reste toutefois de marier Yuan et ça tombe plutôt bien, son pouvoir fait d'elle un être précieux et sa famille peut se permettre d'être très sélective.

And I wish that I was wrong, made a bad mistake, back and forth like waves you pushing me away. And I guess I should've known what's made of glass would break 'cause it takes two to love someone. The green I've tried and it seems that it's all died but it's not raining, which is fatal and I feel so alone when we're together 。 * 17 - 25 ans.

La cérémonie dure trois jours. Trois longues journées pendant lesquelles les invités dorment sur place, prient les dieux, offrent des présents aux nouveaux époux. Trois jours pendant lesquels même le peuple est convié à profiter de la nourriture de la célébration, à voir les nouveaux époux, à leur souhaiter le meilleur. Trois jours durant lesquels Yuan se sent vide et se voit contrainte de faire ses adieux à sa terre natale, celle qui l'a vu grandir et devenir une femme. Elle n'a que 17 ans, un âge déjà bien tardif pour se marier, son mari en a presque 30, et la culture de leurs deux régions n'a pratiquement aucun point commun. Kang Min-Ho est beau, grand, chaleureux, comme mariage arrangé on a fait pire, et pourtant la jeune femme ne se sent pas à son aise. Pourtant elle sait ce qui l'attend depuis toujours, son destin en tant que femme est le même que celui de sa mère, le même que sera celui de sa fille si elle en a une. On lui a répété depuis sa naissance qu'elle n'était pas ordinaire, que son pouvoir lui proférait des privilèges, qu'elle était importante pour son royaume, pour sa famille, et pourtant elle ne s'est jamais sentie aussi insignifiante que ce jour là, où sa famille a décidé de la vendre tant pour accroitre leurs alliés que pour apaiser l'esprit jaloux de son frère. Et malgré la joie de son entourage, Yuan ne ressent pas la fierté que tout le monde lui suppose.

Il est de coutume chez les Xianbei de prendre pour époux et pour épouse quelqu'un qui, au delà des apports bénéfiques qu'une alliance peut apporter, ne possède aucun don magique. Le mari de Yuan ne déroge pas à la règle, et la femme de son frère -qu'il épousera l'année d'après- non plus. Mais Min-Ho fait preuve de bien d'autres qualités, physiques et intellectuelles. Nombreuses sont celles qui peuvent raisonnablement jalouser l'Enchanteresse de Tornades d'avoir un mari qui ne soit ni trop vieux, ni maladif, ni cruel. D'ailleurs rien ne va à l'encontre de la pensée générale, Min-Ho est véritablement le mari idéal. Le peuple -bien plus grand que celui des Xianbei- qu'il dirige profite d'une économie stable, la pauvreté se fait rare, la famine encore moins, des aides sociales sont même mises en place pour intervenir lors des crises. Lord Kang fait preuve d'impartialité, de justice, de stratégie quand il s'agit d'anticiper les problèmes ou les potentielles attaques ennemies. Il est doux, attentionné avec sa femme, lui offre tout ce qu'elle souhaite, fait de son mieux pour passer du temps avec elle. Mais voilà, ce tableau idyllique s'égratigne quand, après deux années de vie commune, ils se rendent compte que malgré toutes leurs tentatives, Yuan ne tombe pas enceinte. Et c'est bien évidemment sur elle que ça retombe. L'humeur de Min-Ho devient alors plus sombre, plus distante. Il commence à prendre des concubines, qui n'enfantent pas plus que Yuan, et se font bannir à mesure qu'elles déçoivent leur seigneur. Le couple s'effrite, bientôt il n'en reste que des miettes, mais ils ont besoin l'un de l'autre, Yuan parce que l'armée de son mari est imposante et d'un poids conséquent si sa propre famille se fait attaquer, Min-Ho parce qu'il détient là une arme humaine qui, jusque là, a permis de repousser les quelques attaques maritimes qui ont eu lieu.

Et si elle décidait de s'en foutre ? Et si, de la même manière qu'ils l'avaient abandonné aux mains d'un homme qu'elle ne connaissait pas, elle les laissait tomber, tous ? Son mari, incapable de reconnaître sa stérilité, ses parents, qui s'étaient débarrassés d'elle comme de n'importe quel prototype d'arme, son frère, qui l'avait rejeté lorsqu'elle s'était montrée plus douée que lui... Et si, pour une fois, dans sa vie, elle arrêtait juste de jouer la gentille petite femme docile qu'on attendait qu'elle soit ?

Let me say this, things are changing. I need you but I'm leaning, I think I've lost the feeling. Don't you understand that loving you ain't easy? I know I'm kinda crazy but I can't understand 。 * 25 - 26 ans.

La terre n'est plus en vue depuis une bonne heure déjà, mais Yuan continue de fixer l'horizon, persuadée qu'une flotte incroyable va bientôt faire son apparition pour la récupérer. Il fait nuit, sa disparition ne sera probablement pas remarquée avant le matin, et encore. Min-Ho étant allé passer la nuit avec une nouvelle concubine, c'est probablement l'une des servantes qui va s'apercevoir qu'elle a disparu. Et pourtant elle ne peut s'empêcher de scruter le ciel jusqu'à ce que les premières lueurs du jour colorent les voiles d'un ton orangé. Le marchand qui a accepté de la prendre, à prix d'or, risque sa vie et il le sait. Mais puisqu'il ne compte pas remettre les pieds au Yi-Ti avant quelques années...

Le lit vide et encore impeccable de Yuan n'est remarqué que tard dans la mâtiné, et l'alerte est donnée aussitôt. Min-Ho lance les recherches dans toute la région, fait appel aux cités voisines pour s'assurer que sa femme n'est pas dans l'une d'elles, mais rien n'y fait. Et quand il décide enfin de prévenir la famille de Yuan, deux semaines plus tard, il est trop tard. La jeune femme a accosté sur les terres de Qarth et compte bien s'éloigner le plus possible de ses terres natales. Ses premiers bijoux sont troqués contre un cheval, l'une de ses robes de soie contre un ensemble plus adéquat aux voyages et des chaussures adaptées à la marche, bientôt il n'y a plus que les yeux bridés de la jeune femme qui la démarquent de la foule. Un dernier crochet pour acheter de la nourriture et une carte, et la voilà partie de Qarth pour longer la côte et rejoindre dans un premier temps la petite cité portuaire d'Astapor.

Yuan ne s'est jamais dit que tout allait être incroyablement facile. Elle sait qu'une fois qu'elle aura terminé de troquer ses richesses, elle sera vouée à crever de faim dans un coin. Alors la décision de trouver du travail avant que ses poches ne soient vides s'impose. Et la voilà qui, après près de 25 ans à se faire servir, se met à son tour à servir les autres. Pendant près de six mois, elle travaille comme serveuse et dort dans l'une des auberges du port, supportant chaque main baladeuse qui se perd sur ses cuisses ou ses fesses comme un moyen de se faire des pourboires en plus. Mais l'idée n'est pas de rester ici, loin de là. Elle rêve d'aventures, de liberté, elle veut retourner en mer, toucher de l'argent facile sans avoir à écarter les cuisses. Elle n'est pas dupe, elle sait que chaque navire qui accoste n'est pas moralement drapé de marchandises légales. La plupart rapporte des esclaves qui n'ont pas tous été gagnés lors de batailles. Elle n'a jamais appris à lire une carte de navigation, encore moins à diriger un navire, même petit, mais elle peut être utile, elle le sait. Son pouvoir peut enfin lui être utile, lui servir pour se sortir de cette vie morne dans laquelle elle s'enfonce, et elle compte bien s'en servir.

And I wish that I was wrong, made a bad mistake, back and forth like waves you pushing me away. And I guess I should've known what's made of glass would break 'cause it takes two to love someone 。 * 26 - 27 ans.

Si Yuan travaille sur le port et pas au fin fond de la ville, ce n'est pas pour rien. La jeune femme repère les marins, les capitaines, les équipages qui vont et viennent dans l'établissement, puis elle se rend sur les quais pour observer, repérer les navires, le type de marchandises qu'ils transportent, le type d'hommes qui les habitent, et c'est sur la Harpy qu'elle jette son dévolu. Elle sait dans quoi elle s'engage, elle comprend dans quoi elle se risque, il y a un moment déjà qu'elle sait faire la différence entre des marchands et des hommes avec moins de scrupules, mais ça ne lui pose pas de problème. Alors elle se lance. Et c'est le début d'une longue coopération.

La confiance entre l'équipage et Yuan n'est pas automatique, d'autant plus qu'elle reste une femme. Il faut du temps et de nombreux rapports de force pour qu'elle se fasse accepter, mais aujourd'hui Yuan est un membre à part entière du navire, voir même un membre privilégié. Elle ne se bat pas, on lui a bien appris à tenir une épée et à se défendre mais elle préfère opérer aux côtés du capitaine dans l'élaboration des plans d'attaque et de défense, dans les affaires commerciales ou dans les pillages. Mais son utilité première reste de déchainer ses pouvoirs sur les mers pour engloutir les bateaux ennemis ou distancer les plus coriaces. Elle a enfin trouvé sa liberté tant désirée, l'aventure qui la fait vibrer, et pourtant il lui manque quelque chose, un petit rien qu'elle ne sait pas définir, comme si un voile sombre masquait de nouveaux horizons encore plus grandioses que ce qu'elle cherchait à atteindre.